La nuit était douce. La saison des feuilles vertes avait débutée récemment, pour le plus grand plaisir des animaux habitants la forêt. Cette nuit-là, quelques nuages déversèrent une fine pluie sur chaque territoire. Mais la lune paraissait tout de même à travers ces petits moutons gris qui traversaient le ciel noir.

Étoile Rousse était assise devant sa tanière. Impossible pour elle de trouver le sommeil cette nuit-là. Et puis, elle aimait sentir les perles rouler sur son pelage et s'écouler sous ses pattes. Elle n'aimait l'eau que sous cette forme. En même temps, à part les membres du Clan de la Rivière, quel chat digne de ce nom aime se tremper les pattes dans une eau glaciale ? De plus, l'eau qui tombait du ciel était tiède. La meneuse s'abandonna à ce spectacle jusqu'à l'aube.

La lune avait traversé le ciel et laissait enfin place au soleil. Étoile Rousse n'était pas fatiguée de sa nuit blanche passée sous la pluie. Peut-être qu'un rhume se déclarerait plus tard, mais pour le moment elle était en pleine forme. Elle trottina jusqu'au tas de gibier pour se prendre une belle grenouille puis revint à a sa place. Elle la mangea, toute joyeuse, en regardant les membres de son clan sortir les uns après les autres.

Il était bien rare qu’elle soit de si bonne humeur. Et elle-même voulait en profiter ! Elle laissa la charge des patrouilles à son lieutenant et sortit du camp, un grand sourire aux babines et la queue en panache. D’habitude, elle ne sortait pas seule et ne laissait pas ses pattes la guider n’importe où. Mais aujourd’hui, tout semblait diffèrent. Elle se laissait aller au grès du vent, gambadant un peu partout.

Elle se rendit bientôt compte qu’elle était très proche de la frontière du Clan du Ciel. Elle en profita pour se frotter contre quelques arbres et quelques buissons pour renouveler le marquage. Quand elle sentit une effluve du Clan adverse plus forte que les autres et qu’elle entendit des petits bruit, la meneuse se redressa et observa les alentours. Très rapidement, elle repéra une fourrure blanche. L’autre chat aussi semblait l’avoir remarqué car il se dirigea droit vers elle en lui miaulant d’un ton peut sympathique :


« Qu’est-ce que tu fais si près de la frontière ! Hein !? »
La chatte rousse retint un feulement de protestation. Sa bonne humeur avait vite disparut quand elle avait reconnu la lieutenante du Clan rivale. Pour tenter de garder son sang-froid, la rouquine s’assit en enroulant sa longue queue tigrée autour de ses pattes. Elle réussit à miauler d’un ton courtois mais ferme, une réponse que l’autre chatte ne pouvait nier.


« Bonjour Ciel d’Azur. Ce que je fais ici ne te regarde pas. De plus, je ne fais rien de mal à ce que je sache. Je suis sur mon territoire ici, et sans patrouille avec moi pour vous nuire. Mais je pourrais te poser la même question je te signale. Mais comme ta réponse ne m’intéresse pas … »
Elle planta ses yeux vert et or dans ceux de la lieutenante au pelage blanc. Étoile Rousse été heureuse d’avoir bien placée sa réplique mais surtout d’avoir gardé son sang-froid. Elle fit de son mieux pour ne pas se montrer agressive ou quoi que ce soit, même si elle aurait bien aimé apprendre la politesse à la petite effrontée qui était en face d’elle. De quel droit l’agressait-elle d’abord ? Il valait mieux pour la lieutenante qu’elle baisse d’un ton, ou sa allait mal finir ...

Les yeux vairons de la meneuse ne tardèrent pas à remarquer la haine qui flamboyait dans le regard azur de la lieutenante. Étoile Rousse en fut presque satisfaite. Je vous dis bien presque. Aujourd'hui, contrairement à d'habitude, elle ne voulait pas chercher la bataille avec les autres. Mais la chatte postée en face d'elle lui était aussi insupportable qu'une tique.

Les deux femelles se regardèrent un moment. La rouquine savait que l'autre chatte préparait une remarque acerbe, mais elle aussi avait préparé une réplique aussi cinglante. Le Clan du Ciel était bien barbant, se répétant toujours, se prenant pour le meilleur Clan de la forêt. Et le miaulement furibond de la lieutenante ne la surprit gère.


« Moi je nourris mon clan. Et toi, tu foutais quoi là ? »
Étoile Rousse retint un sourire. Elle la regarda de haut, son regard se faisant plus dur d'un seul coup comme si elle s’apprêtait à punir un apprenti. Et encore, pour elle la boule de poil blanche n'était qu'un chaton mal léché.


« Surveille ton langage petite impertinente ! Tu me dois le respect, que je sois de ton Clan ou non ! De plus, je viens de te dire que ce que je faisais ici ne te concernait pas et que je me fichais de ce que toi tu faisais là. Ouvre un peut les oreilles, au lieu de te comporter comme un chaton ignorant. »
La meneuse se releva en foudroyant la lieutenante du regard. Elle fit mine de commencer à partir, tout en longeant la frontière sans la dépasser. Elle savait que la chatte au long pelage essayerait de la rattraper pour lui en faire voir de toutes les couleurs. Et Étoile Rousse était déjà prête à riposter.

Après avoir parcourue une distance de trois queues de renard, la rouquine tourna à demi la tête pour lancer par-dessus son épaule un miaulement suffisant :


« Et cesse de prendre ton clan pour le plus puissant, c'est loin d'être le cas. Il est même de trop dans la forêt. »

Etoile Rousse continua d'avancer au petit trop, surveillant tout de même ses arrières au cas où la petite peste n'essaye de l'attaquer par surprise, comme un lâche. Mais après tout, c'en était une ! Elle entendit une réplique venant de la lieutenante mais la rouquine l'ignora royalement.

Elle continua un peu son chemin tout en se frottant contre les arbres délimitant la frontière des deux clans rivaux. Ce n'était pas parce qu’une petite prétentieuse à la cervelle de souris l'avait dérangé qu'elle allait s'arrêter à sa tâche, bien au contraire. Mais la meneuse ne dépassa pas la frontière.

La rouquine s'assit dans les hautes herbes pour se faire une petite toilette. Elle se sentait sale après avoir rencontré un chat inférieur à elle venant d'un autre clan. Étoile Rousse perçut mainte fois des petits bruits mais elle ne se doutait pas que l'autre serpillère blanche revenait à la charge.

Un cri de rage la fit sursauter et quelque chose lui tomba sur le dos, en lui lacérant les épaules. Le sang de la meneuse ne fit qu'un tour. Elle se jeta au sol et roula pour se débarrasser de son adversaire ... Qui était passé sur son territoire en attaquant la chatte rousse.

« Tu es donc bien aussi bête qu'un mulot, et encore je suis en train de les insulter en te comparant à eux ! Dégage d'ici, fiche moi le camp ! Tu es sur MON territoire et ne me donne pas une raison de plus de vouloir te tuer et d'utiliser ta fourrure comme litière ! »

Elle s'avança vers la petite impertinente pour la faire reculer, ses crocs longs et blancs dévoilés. Elle lui donna un coup de griffe sur le museau. Elle tenta de lui en assener un autre mais elle ne fit pas un pas de plus. Pourquoi ? La frontière pardi ! Étoile Rousse n'avait aucunement l'envie de la dépasser, même pour étriper la guerrière immature qui lui cherchait des puces.

La lieutenante semblait satisfaite. En quel honneur ? Étoile Rousse n'avait pas franchie la frontière et elle ne s'y risquerait pas. Elle avait déjà horreur qu'un autre chat pénètre sur son territoire alors pourquoi irait-elle chez les autres, si ce n'est pas pour leur prendre un petit bout ... Mais la meneuse compris bien vite ce qui faisait sourire l'autre idiote.


« Bah vient ! Vient me prendre ma fourrure ! Ce sera instructif ! J’ai hâte de voir comment tu vas t’y prendre ! À moins que tu n’aies peur … ! »
Etoile Rousse l’écouta piailler comme un chaton et ne se retint pas de bailler à s'en décrocher la mâchoire. Si Ciel d'Azur voulait lui casser les pattes, elle en ferait de même. Gardant son envie de meurtre au plus profond d'elle-même, elle s'allongea et toisa la femelle blanche comme si ce n'était qu'un brin d'herbe.


« Ce n'est pas l'envie qui me manque mais, vois-tu, contrairement à toi je respecte le code du guerrier et les frontières. De plus, tu me divertis alors continue ton numéros d'idiote, ça me fera passer le temps étant donné que tu veux que je reste ici ... »
Elle termina sa phrase avec un sourire malicieux et satisfait. La carte de l’indifférence était la pire de toute. Et aujourd’hui, la rouquine avait bien envie de la jouer et de découvrir tous les atouts de cette arme bien précieuse. Alors elle tenta de rester calme, de se détendre et surtout elle se retint de lui sauter à la gorge. C’était tout l’inverse de ce que son instinct lui criait de faire.

La meneuse resta sur ses gardes tout de même. Bien oui, même si elle évitait de laisser son instinct prendre le dessus, elle ne voulait pas non plus risquer l’une de ses vies inutilement. Ce serait complétement idiot, n’est-ce pas ? Elle ferma les yeux mais les garda tout de même entrouverts, juste de quoi voir le pelage blanc de la lieutenante du clan du ciel bouger.



HRP:

Les deux femelles continuèrent de s'observer tout un moment avant que l'une d'entre elle ne réagisse. Ce fut Ciel d'Azur. Un petit sourire malicieux naquit sur ses babines avant qu'elle ne s'allonge sur l'herbe chauffée par le soleil, tout comme la meneuse au pelage flamboyant l'avait fait juste avant. Puis, plus un geste. Ni de l'une, ni de l'autre. Le temps fila tel la poussière emportée par le vent. Cette Lieutenante commençait sérieusement à échauffer Étoile Rousse. Son sourire narquois avait disparu et une lueur de haine brûlait ardemment dans ses yeux vairons.

Ciel d'Azur semblait vraiment chercher la bagarre. Son adversaire retint un grognement en découvrant un nouveau sourire venant de la guerrière aussi intelligente qu'un rat mort.



« Je te divertis toujours autant ? »

La meneuse n'allait pas lâcher si près du but. Elle se léchât les crocs avant de se lever et de s'ébrouer pour chasser les saletés collées à son pelage. Elle planta une nouvelle fois son regard assassin dans les yeux azurs de la guerrière du Clan du Ciel avant de lui jeter d'un air supérieur :



« Non, je m'en vais donc. J'ai assez perdu de temps avec toi, chaton. J'ai des choses plus importantes à faire dont tu n'auras jamais idée car tu n'atteindras jamais le rang que j'ai aujourd'hui. Tu es bien trop inexpérimentée, irréfléchie, et j'en passe. Sur ce, bonne journée ... »

Satisfaite d'elle-même, elle se remit en route. Elle longeât de nouveau la frontière et se frotta aux arbres et aux pierres avec insistance pour montrer que cette frontière était bien protégée. Elle espérait tout de même que Ciel d'Azur commettrait de nouveau une faute. Si elle traversait de nouveau la frontière dès maintenant pour attaquer la meneuse, elle serait reçue avec toute la chaleur du monde.