Il y a quelques jours, Ciel d’Azur avait rencontré la chef de l’Ombre ; notre chère Étoile Rousse ! Elles s’étaient battues, et étaient reparties dans leurs camps à la fin. Incognito, le lendemain, elle repartit marquer les frontières avec les Ombreux.

Lancée à toute allure dans la Pinède, elle reconnut cet endroit qu’elle adorait. Malheureusement, elle portait encore l’odeur nauséabonde du clan de l’Ombre. D’ailleurs, les signes de bataille récente étaient encore bien présents. Des traces de griffes dans la terre battue et dans les petites aiguilles, des touffes de poils blanches et rousses déposées un peu partout. Un sourire sadique étaya le visage blanc de la lieutenante du Ciel. Elle avait adoré ce combat. Et elle était très contente d’avoir poussé à bout le chef de couleur enflammée. Sans dépenser plus de temps ici, elle marqua la frontière sur tous les arbres avant de longer la frontière Ombre-Ciel jusqu’à sentir une odeur d’eau cramoisie et puante.
Les Marécages. Même de loin, cet endroit lui avait toujours donné des haut-le-cœur. La mine renfrognée par la puanteur, elle recommença la manœuvre effectuée plus tôt. Elle termina le premier arbre et passa au suivant. L’odeur du clan de l’Ombre avait le don pour la faire vomir. De l’autre coté de la frontière, une fourrure rousse comme les flammes se détacha du décor lugubre. Puis un mouvement s’en suivit accompagné d’un bruissement de feuilles. Ciel d’Azur s’assit posément, la queue enroulée autour des pattes, pour attendre le nouveau venu. Cette rencontre allait sûrement se terminer en combat, mais elle aimait être présentable devant quelqu’un qu’elle ne connaissait pas.
Le chat arriva. Et elle reconnut Griffe du Lion, le lieutenant de ce cher clan de l’Ombre. Et bien, elle allait rencontrer tous les chats de ce clan ou quoi ! Il y en a marre de tomber sur des Ombreux ! Et puis, en même temps elle se baladait uniquement sur la frontière commune avec le clan de l’Ombre donc il y a peu de chance de tomber sur des Venteux ! Désespérée, et se demandant pourquoi elle était vouée à rencontrer tous les chats les plus abrutis du monde, elle souffla :
-Ah ! Tient donc … Regardez qui voilà ! …

C’était bien Griffe du Lion qui était en face d’elle, de l’autre coté de la frontière. Malgré qu’elle déteste tous les membres des autres clans, contre celui-là, elle n’avait rien à dire. Elle ne le connaissait pas. Mais un matou du clan de l’Ombre, lieutenant qui plus est, serait forcément un ennemi de plus. Par contre, peut-être que du fait qu’elle est de meilleure humeur que d’habitude, elle s’énerverait contre lui en moins de temps. De toute façon, ils finiraient tous les deux par rouler dans la poussière et à se donner des coups de griffe. C’est sûr. Ciel d’Azur n’était pas d’assez bonne humeur pour ne pas se battre aujourd’hui. Assise posément de son coté de la frontière, la queue enroulée autour de ses pattes, elle regardait le chat brun tigré de ses yeux bleu clair. Le mâle ennemi était dans la même position qu’elle et semblait la regarder de la même manière. Totalement neutre, Ciel d’Azur écouta le chat brun lui miauler :
-Que fais-tu si près du territoire de chasse du Clan de l’Ombre Ciel d’Azur ?

Il était calme. Ce serait presque abusé de dire qu’il était détendu, mais ça s’en rapprochait. Ciel d’Azur était plutôt neutre. Ce qui était extrêmement rare chez elle. Cette journée était exceptionnelle ! Ordinairement, elle l’aurait pris très mal et les deux félins seraient déjà en train de se battre. Mais là, non. Ca l’avait un peu ennuyé qu’il lui dise ça mais sans plus. Elle était chez elle après tout. Et lui aussi. Alors tout le monde est content ! Bref, ses pupilles glacées scrutaient toujours Griffe du Lion avec la même intensité. Loin d’être énervée, elle voulait juste l’intimider. Le lieutenant du clan de l’Ombre continua :
-Le crépuscule est le bon moment pour se cacher et se comparer aux ombres du monde.

« Hein ?! Si l’autre il commence à nous faire ses réflexions philosophiques, on est pas sortis des ronces ! » explosa intérieurement Ciel d’Azur. Elle ne comprenait rien à rien de ce que venait de lui dire le bras-droit du clan adverse. Et ça la mettait même plus de travers que la méfiance première du mâle. Si il y avait bien quelque chose qui l’énervait, c’est bien les chats comme lui qui lui parlait de manière savante. Souvent elle n’y comprenait rien, et ça la faisait enrager ! Étrangement, elle essayait de canaliser sa rage en labourant le sol recouvert d’aiguilles de ses griffes. Finalement, elle décida d’ignorer tout bonnement les réflexions intellectuelles de Griffe du Lion, pour se repencher sur sa première phrase.
-Je pourrais te retourner la question, Griffe du Lion. Mais comme on est tous les deux occupés et que j’ai pas envie d’y passer la journée, je vais te répondre que je suis ici chez moi. Je suis de mon coté de la frontière, tout comme toi.

Toujours dans sa position neutre, elle essayait de garder son calme. Car, même si elle a depuis toujours une aversion grande comme le monde pour les autres clans, il fallait avouer qu’il n’avait pas l’air très méchant ou agressif. Mais bon, leur relation pouvait toujours évoluer. Pour l’instant, elle n’avait pas d’intention particulière à son égard. Mais elle aura certainement une affinité plus prononcée quand le matou aura répondu.