Une belle matinée gorgée de soleil et Ciel d’Azur sortit du camp en trottinant. Elle était d’ailleurs de très bonne humeur. C’était même plutôt rare qu’elle le soit autant. Mais comme chaque fois qu’elle était joyeuse, il ne fallait quand même pas trop pousser le bouchon trop loin ! Pour elle, « être de bonne humeur », signifiait : « s’énerver en plus de temps que d’habitude » ! Oui, elle devait être plus agréable et facile à vivre qu’avant, mais elle gardait le même caractère de cochon avec les autres clans. Ça ne changerait pas complètement son caractère.
Le vent soufflant dans les branches des arbres environnant et l’air fouettant ses oreilles par la vitesse de sa course, la femelle blanche comme neige se demanda pour la première fois où elle allait aller. Ses pattes la guideront alors. Malgré tout, il y avait bien un lieu qu’elle aimerait voir de jour. Les Quatre Chênes. Toutes les fois où elle y était allée, c’était de nuit, lors des Assemblées à chaque pleine lune. La grande femelle blanche bifurqua vers les quatre grands arbres, dressés les uns à coté des autres depuis des temps immémoriaux. Les règles des clans interdisaient à quiconque de chasser en ce lieu sacré. Mais aucune règle n’interdisait aux chats de venir réfléchir et se relaxer ici.
Bientôt les Quatre Chênes furent en vue. Majestueux, ils surplombaient tous les environs, et il faudrait être complètement aveugle pour ne pas les voir à 10 km à la ronde ! Ici, l’odeur des 5 clans étaient bien présentes, vestiges de la dernière Assemblée des clans. Dans les plus apparentes, il y avait bien sûr celle de Ciel d’Azur, mais il y en avait une autre aussi. Une flagrance humide, apportant l’odeur de la Rivière. Un Rivièreux ? Sûrement. Arrivée sur la grande place où tous les chats se réunissent une fois par lune, elle aperçut un matou assis sur une pierre plate, à se lécher l’une de ses pattes avant. Son pelage était d’un beau gris-bleu. C’était Étoile de Verre, le chef des mangeurs de poissons ! Un petit sourire amusé et même un peu exaspéré apparut sur son visage blanc. Décidément, jamais elle ne pourrait faire une promenade tranquille par beau temps sans qu’un chef ennemi ne se pointe derrière un rocher ! Silencieusement, elle fit le tour du meneur sans se faire remarquer, pour lui arriver de face. Le matou releva la tête et détailla Ciel d’Azur en la reconnaissant. En faisant la surprise, elle miaula assez fort :
-Tient ! Étoile de Verre ! Quand les grands de ce monde se rencontrent ! ...

Il y a trop de "grands" dans ta phrase pour ce petit monde. Révise ta hiérarchie avant de lancer pareille absurdité.

Absurdité ? Pour Ciel d’Azur, tout ce qu’elle disait était parfaitement censé. Et puis jusque là, elle n’a pas été agressive ni rien du tout. Alors si l’autre machin était de mauvais poils aujourd’hui et qu’il avait une soudaine envie de se faire une ennemie on ne peut plus belliqueuse ; c’est son choix ! Mais c’est à ses risques et périls ! Parce que quand Ciel d’Azur s’y met, ce n’est pas qu’à moitié ! Bref, elle s’assit posément devant le matou gris-bleu en essayant de garder son calme, aussi éphémère qu’il soit. Elle s’apprêtait à lui répondre calmement sa manière de penser quand Étoile de Verre miaula d’une voix qui sembla restée suspendue dans l’air :
- Tu n'as rien à faire ici de plus !

Rien à faire ici ? Alors là c’est le comble ! Depuis quand un chat de clan aurait l’interdiction de venir sur un territoire neutre ? Et comme l’indique son nom de « territoire neutre », il est neutre, donc accessible de tout le monde ! Y compris de Ciel d’Azur. Et puis depuis quand un chef de clan interdisait à un chat d’un autre clan de venir ici ? Et puis ce serait pas demain que la lieutenante du Ciel obéirait à un chef ennemi ! Bref, elle se retint une fois de plus de s’énerver comme une malade mentale, elle se contenta de soupirer, lasse. Tous les chats des autres clans étaient-ils destinés à être des imbéciles finis ? Elle finit par miauler d’une voix qu’elle obligeait à être calme :
Pour commencer, tu es un chef et moi une lieutenante, donc je suis désolée de te l’apprendre mais, oui, nous sommes deux des grands de ce monde. Ensuite, je vais te rappeler que nous sommes en terrain neutre. J’ai autant le droit d’être ici que toi.

Etoile de Verre n’a pas eu l’air d’avoir apprécié la remarque de la chatte blanche. Mais bon. Elle s’en fiche complètement. Le mâle gris-bleu lui décocha un regard agressif que Ciel d’Azur ne fit aucunement attention. Il s’approcha de quelques pas vers la femelle en dévoilant ses crocs, menaçant. Il semblait pensif. Mais pensif à quoi, ça c’était une autre question ! Il siffla d’un air méprisant :
Méfie-toi, sombre idiote. Je suis un chef, j'ai bien plus de force et d'expérience que toi ! Moi je peux bien perdre une vie, toi tu n'as pas intérêt.

Pff .. Comme si elle ne le savait pas qu’il était plus expérimenté qu’elle ! Elle n’est pas une cervelle de souris non plus … Bref, il fit quelques bonds gracieux avant de s’arrêter devant son adversaire. À partir de ce moment, Ciel d’Azur savait qu’elle ne rentrerait pas au camp du Ciel sans avoir combattue Etoile de Verre avant. Il continua, moqueur :
Vous et le Clan du Vent ne forment qu'un seul, vous devriez fusionner, peut-être que là on vous remarquerait !

Euh … Non, sans façons ! Que les bouffeurs de lapins restent avec les bouffeurs de lapins, chacun chez soi, et tout le monde est content. Elle voulut répliquer une phrase cinglante, mais l’envie de se battre n’était pas bien présente aujourd’hui. En tournant les talons en direction du camp du Ciel, elle fit quelques pas en miaula d’une voix lasse quand la voix du meneur la coupa :
-Ouais c’est ça t’as raison ! On est tous des incapables ! Bref, désolée de te fausser compagnie, mais je rentre ch- …

Sans répondre tout de suite, le matou bondit à la suite de la lieutenante pour lui mordre la queue. Ciel d’Azur, n’ayant pas vraiment entendu l’approche du matou, se contenta de souffrir en silence pendant que les crocs du mâle gris-bleu s’enfonçaient dans sa chair. Une voix l’interrompit pendant qu’elle continuait sa route comme si de rien n’était. Oh non ! Elle n’avait pas envie de s’attarder ici avec lui et le voilà qui la rappelle ! Pfff … Même si elle ne pouvait pas y échapper, elle continua tout de même sa progression vers son camp, et l’ignora complètement. Il venait de dire que le clan du Ciel était peuplé de trouillards. Et bah qu’il ait raison si ça peut lui faire plaisir ! Ciel d’Azur, elle, ne restait qu’avec des gens qui en valent la peine. Ou avec des personnes agréables à embêter mais ça c’est autre chose ! Lui, avait autant de capacités à l’amuser qu’un rat mort. Elle s’en fichait donc complètement de lui.
Sa queue blanche commençant à saigner un peu plus, la faisait souffrir, mais se forçait de ne rien laisser paraître. C’est qu’elle a une dignité ! Bref, elle se retourna enfin vers le meneur pour le regarder fixement dans les yeux. De longues secondes s’écoulèrent puis elle rouvrit enfin la bouche tout en continuant à lui faire face au cas où s’il attaquait de nouveau qu’elle puisse le contrer :
-Alors si le Clan du Ciel sont des trouillards, alors la Rivière ce serait quoi ? Le premier mot qui me vient à l’esprit est « lâche ». Parce que chez nous, on apprend à ne pas attaquer les gens de dos, mais ça bien sûr ça te passe complètement au dessus de la tête !

Assise la queue autour de ses pattes, on voyait bien la blessure qui avait arrêté de saigner depuis peu. Elle voulait tout simplement lui montrer que cette petite blessure superficielle ne la pré-occupait pas et qu'elle était bien plus endurante que le matou n'accepterait de le croire.

Sa queue ensanglantée enroulée autour de ses pattes, Ciel d’Azur le regardait, hostile. Elle en arriva même à se demander pourquoi elle restait là. Si elle partait maintenant, elle gagnerait du temps et pourrait servir son clan en proies. Elle perdrait peut-être toute crédibilité envers ce meneur prétentieux mais ce n’est peut-être pas si mal. Quand on sous-estime quelqu’un ça peut être bon. Très bon pour elle. D’ailleurs, si elle faisait ça ? Partir dans les plus brefs délais ? Pourquoi pas. Mais pas maintenant. Pas tout de suite. Il fallait d’abord qu’elle lui apprenne la politesse et les règles de bienséance. Ensuite, elle partirait. Elle n’a pas que ça à faire après tout !
Une lieutenante qui tourne le dos à un combat ne mérite pas son poste. Je suis peut-être fourbe, mais Étoile Rousse aurait pu en faire de même. Retourne dans ta tanière Nuage d'Azur !

« Nuage d’Azur » ? Ouah ! Quel humour … raffiné ! Non, mais plus sérieusement ; cette petite « insulte » était réellement sensée énerver Ciel d’Azur ? Et bien .. Non. C’était pathétique au possible et pitoyable. Qu’il aille s’acheter des insultes avant de parler !
Quant à la meneuse de l’Ombre, je pense que vous savez déjà ce que pense la lieutenante blanche de ce cas désespéré … Non ? Et bien, la femelle pense que Etoile Rousse est à la hauteur du clan qu’elle préside. Immature, incapable, et nul en tout, aux yeux bleus de Ciel d’Azur. Un chaton mal léché, quoi ! Bref, pareil que ce Etoile de Verre.
Celui-ci se mit à sourire. Qu’est-ce qu’il y avait de si drôle ? De voir que la chatte blanche comme neige n’en avait rien à faire de ses provocations dignes d’un nouveau-né ? Quand il eut fini de sourire comme un demeuré, il lâcha :
Alors Ciel d'Azur ? On apprend à ses apprentis à chasser mais pas à sortir leurs griffes ? N'auriez-vous plus le courage de protéger vos frontières ?

C'est incroyable à quel point la lieutenante avait envie de bondir au cou du meneur pour ne plus jamais le revoir en vie. Mais malgré ses pulsions, "assassines", elle ne se battrait jamais dans un lieu sacré. Au moins, dans son clan de "faibles" on savait ça. Et Ciel d'Azur était trop respectueuse au clan des Etoiles pour attaquer ce moins que rien aux Quatre Chênes. Elle miaula d'une voix hypocrite avant de commencer à faire marche arrière, et s'éloigner vers chez elle :
-Je ne sortirai pas mes griffes si tu veux tout savoir. Parce que tu vois les quatre troncs là-bas ? Ils s'appellent les Quatre Chênes. Et la trêve du clan des Etoiles en ce lieu tu la connais ? Non ? Et bien nous, dans notre clan de faibles, on respecte le clan des Etoiles tu vois ! Et bien, à la revoyure !

D’un pas fier, elle se dirigeait lentement loin de ce mâle. Elle l’entendit pouffer de rire derrière elle. Mais c’était quoi son problème ? N’importe quel corniaud savait que le sang ne devait pas couler en ce lieu sacré. Si, même le chef ignorait cet ordre du clan des Etoiles, ce n’est pas si étonnant que le clan de la Rivière soit si abruti. Ciel d’Azur secoua la tête de gauche à droite lentement, désespérée pour le cas de Etoile de Verre. Moqueur, le matou gris cendre lâcha :
Cervelle de grenouille, la trêve n'apparait qu'en temps de pleine lune, autrement les Quatre Chênes sont comme une parcelle de territoire commune. Il n'y a pas de trêve et tu te cherches des excuses pour ton comportement couard.

Le plus drôle dans cette histoire sans queue-ni-tête, c’est le matou prenait ça pour de la couardise. Rien que cette pensée amusait la lieutenante blanche. Elle savait bien se battre. Elle n’avait aucun doute là-dessus. Bon, Etoile de Verre était chef, il était plus âgé, donc un peu plus expérimenté qu’elle, c’était possible. Mais dans ce comportement, il n’y avait pas de peur. Elle n’avait pas que cela à faire voilà tout. Elle continuait de marcher calmement vers son camp en évitant d’écouter les imbécilités du matou bleu-gris. Elle fut bientôt arrivée aux grands et majestueux arbres qui délimitaient cet endroit sacré quand elle entendit le meneur des bouffeurs de poissons lancer à la femelle qui disparaissait peu à peu de sa vision en se faufilant derrière les buissons :
Garde tes oreilles levées, Nuage d'Azur, ce n'est pas terminé. Apprends à sortir tes griffes, un jour ça pourrait t'être utile.

Etoile de Verre ne voyait plus Ciel d’Azur. Il devait sûrement croire qu’elle était rentrée chez elle. Et pendant quelques secondes, la femelle blanche avait pensé à faire ça, rentrer dans son camp et faire comme si elle n’avait rencontré personne. Mais non ! Son caractère changeant avait encore sévi et elle avait décidé de bondir sur Etoile de Verre sans qu’il s’en aperçoive, pour lui montrer ce dont « Nuage d’Azur » était capable.
D’un pas léger et rapide, elle revint sur ses pas tout en restant dissimulée par les broussailles. Quand elle arriva à quelques mètres du matou, elle se tapit au sol et rampa jusqu’à être assez proche de lui pour l’entendre respirer assez bruyamment. Il était allongé au sol, sa tête posée sur ses pattes, les yeux certainement clos. Ciel d’Azur s’approcha lentement mais d’un coups, en marchant sur quelque chose de bruyant ce qui alerta le mâle. N’ayant plus vraiment le choix, elle bondit sur lui en poussant un cri enragé. Elle saisit la peau de son cou avec ses crocs pendant qu’elle labourait rageusement les flans de son adversaire avec ses griffes. Pour l’instant, elle s’en sort pas mal la Nuage d’Azur !

[ Même si ce n'est pas la trêve, les Quatre Chênes sont un lieu sacré et ancestral, les chats n'osent pas verser du sang dans le lieu où leurs ancêtres les protègent [:
( Sauf bataille contre le Clan du Sang et lorsque la trêve a été brisée à certaines assemblées ) ]

[ On va pas faire comme les boulets non plus, dès qu'il y a des exeptions on le fait XD
Bref, si vous voulez poursuivre cette conversation, ce sera par mp. ]