Le soleil, astre brulant dans un ciel bleu dépourvu de nuages, s’était levé depuis longtemps sur la forêt. En ce moment, le vent ne soufflait guère et l’atmosphère était pesante. La terre s’asséché au fil des jours. La pluie commençait sérieusement à se faire rare alors que tous en avaient besoin. Les plantes, les rongeurs, les volatils et les félins. Mais le disque de flamme ne semblait pas vouloir céder sa place à de quelconques nuages.

Étoile Rousse avait pris la tête de la patrouille de l’aube. C’était le seul moment où la tâche n’était pas éprouvante. En marchant, des nuages de poussière se soulevaient, faisant éternuer un apprenti qui l’accompagnait avec son mentor. La meneuse au pelage flamboyant avait réduit le nombre de patrouilleurs. Rares étaient les fous qui cherchaient à attaquer en pleine canicule. Mais elle demandait toujours à ce que la vigilance de ses guerriers redouble près de la frontière avec le Clan du Ciel mais aussi avec celle du Clan de la Rivière. Il y avait eu quelques histoires une demi-lune plus tôt que la rouquine aurait bien aimée oublier, même si ce n’était pas conseillé pour la sécurité de son Clan.

Avant que le soleil n’atteigne son zénith, la patrouille revint sur ses pas pour rentrer au camp. Aucune infraction du côté des frontières. Un peu essoufflée, la femelle aux yeux vairons miaula affectueusement à ses guerriers d’aller se reposer à l’ombre et intima à l’apprenti d’aller s’assurer que les reines et les anciens avaient assez d’eau avant de pouvoir roupiller. Quant à elle, elle alla vérifier le niveau du tat de gibier qui avait été déplacé pour être à l’ombre à toute heure de la journée.

Après avoir vérifié encore deux trois détails, la meneuse partit s’allonger à l’ombre du promontoire, devant sa tanière. Elle y observa ses guerriers, ses amis plutôt. Oui, elle les traitait comme tel. Ils n’étaient pas des êtres inférieurs qu’il fallait négliger. Chacun avait son importance, sa place dans le Clan. Tous se complétaient justement par leur différence. Elle se faisait respecter et elle respectait les autres en retour. Elle savait mener et ne pas se faire marcher sur les pattes. A l’écoute, elle se rapprochait souvent de ses pairs et tentait de régler quelques conflits du mieux qu’elle le pouvait. Certains auraient mieux fait de prendre exemple sur elle …

L’après-midi commençait à s’installer, amenant une vague de chaleur difficilement supportable, même pour la chatte au pelage court. Elle se leva et remua ses pattes ankylosé après tant de repos qu’elle s’accordait rarement. Elle se lécha le poitrail et le dos pour chasser la poussière et l’herbe sèche qui s’était collé à son doux pelage. Elle n’avait pas mangé mais n’avait nullement l’intention de partir se chercher une proie dans le tat de gibier. Ce qu’elle voulait dans l’immédiat, c’était quitter le camp pour se reposer près du Marronnier qui était proche du camp tout en étant assez éloigné pour ne pas être importuné.

Étoile Rousse passa dans le tunnel de ronce, la seule sortie du camp. Elle prit son temps pour rejoindre l’arbre majestueux qui projetait son ombre imposante sur l’herbe sèche. En courant, elle se serait donné encore plus chaud inutilement. Quand elle fut au pied de l’arbre, là où les racines noueuses étaient durement enfoncées dans le sol, elle se tapit et se prépara à bondir sur l’une des branches. Mais un craquement dans son dos la fit sursauter. N’écoutant que son instinct, elle se retourna vivement et se jeta sur l’intrus. En découvrant de qui il s’agissait, elle s’écarta avant de miauler furieusement.


« Que fais-tu ici Petit Amour ? Tu sais que tu n’as pas le droit de t’aventurer en dehors du camp ! »

Le pelage roux de la meneuse avait doublé de volume. La chaleur la mettait déjà de mauvais poil … Ajoutait à ceci la frustration de ne pas pouvoir rester seule à l’ombre mais aussi la déception de voir un chaton désobéissant aux règles. L’air était statique, ce qui expliqué pourquoi elle ne l’avait pas sentie approcher. Étoile Rousse se demanda si la petite minette se rappelait que sortir du camp alors qu’elle n’était pas encore apprentie était interdit. Et la réponse de la boule de poile ne fit que confirmer ses soupçons.



« Je suis désolé Étoile Rousse. Il fait très chaud à la pouponnière, j'ai voulu faire une sieste à l'ombre de cet arbre ... »

La rouquine l’a fit taire d’un battement de queue furieux. Elle l’a foudroya du regard, tout en imaginant ce qui aurait pu lui arriver. Petit Amour aurait pu se faire tuer par des rats ou par un renard. Elle aurait pu se faire capturer par un félin d’un autre Clan ou même par un bipède. Que lui était-il passé par la tête ! Pas une luciole en tout cas. Et Étoile Rousse avait bien l’intention de le lui faire comprendre.



« Tu es désolé ? Tu as voulu venir ici et tu oses me dire que cet acte était délibéré ? Tu me déçois beaucoup sur ce coup. Suis-je obligé de te rappeler que les chatons n’ont pas le droit de sortir du camp ? Si tu ne respectes déjà pas cette règle, seras-tu capable de respecter le code du guerrier qui va t’être enseigné lors de ton apprentissage ? »


La meneuse tourna le dos à la petite pour rejoindre le pied de l’arbre avant de grimper sur l’une des plus grosses racines. Elle s’assit et lécha son poitrail pour aplatir son pelage encore gonflée. En même temps, elle fit signe au chaton de s’approcher. Finalement, quand elle fut un peu plus calme elle coula un regard affectueux à la boule de poil tricolore.



« Écoute-moi bien. Si tu es sage, je ne reculerais pas ton baptême. En attendant, restes avec moi jusqu’à ce que je rentre au camp. »


Elle avait repris son ton calme et mielleux qu’elle réservait aux membres de son Clan, à ses amis. Et puis la petite ne l’avait peut-être pas fait vraiment exprès. A cette âge-là, ils se pensent tous capable d’affronter un Clan entier, une meute de chien même. Alors la rouquine ne pouvait pas lui en vouloir plus longtemps.



HRP:

-Je suis désolé Etoile Rousse. Il fait très chaud à la pouponnière, j'ai voulu faire une sieste à l'ombre de cet arbre...

Avant même que je ne puisse finir ma phrase, je me tut en voyant la cheffe rousse me faire taire. Oreille baissée, honteuse, je regardait la meneuse. Elle me foudroya du regard. J'eut un frisson.

-Tu es désolé ? Tu as voulu venir ici et tu oses me dire que cet acte était délibéré ? Tu me déçois beaucoup sur ce coup. Suis-je obligé de te rappeler que les chatons n’ont pas le droit de sortir du camp ? Si tu ne respectes déjà pas cette règle, seras-tu capable de respecter le code du guerrier qui va t’être enseigné lors de ton apprentissage ?

Je n'avais plus rien à dire. J'avais toujours mes oreilles baissées. La féline rousse me tourna le dos et se dirigea sur la racine la plus grosses du Marronnier. Elle me fit signe de venir. Je m'approchait lentement. Quand je vit que la rouquine me fit un regard affectueux, je fit plus rassurée. Mes oreilles étaient dressées à présent. Je m'assit près d'elle.

-Écoute-moi bien. Si tu es sage, je ne reculerais pas ton baptême. En attendant, restes avec moi jusqu’à ce que je rentre au camp.

J'entendit dans ses paroles un ton calme et mielleux. Je regardait l'arbre et ses alentours qui m'impressionne. C'est la première fois que je sors du camp, mais je comprit que j'ai fait une erreur, qu'il ne fallait pas sortir de la pouponnière. Mais je suis le seul chaton dans le clan... Tout ce que je fais à la pouponnière c'est rêver. Regarder le camp. Dormir. C'est tout ce que je peux faire.

-D'accord, Etoile Rousse. Je resterait près de toi jusqu'a ce qu'on rentre au camp.

Petit Amour grimpa sur la racine de l'arbre, au côté de la meneuse au pelage roux. Même si le chaton avait acquiescé aux propos de sa supérieure, elle ne semblait pas bien comprendre pourquoi elle s'était faite réprimandée. Étoile Rousse le voyait bien dans ses yeux. Légèrement exaspérée, elle secoua la tête. Il fallait qu'elle reprenne les choses en pattes. Le Clan de la Rivière profiterait du moindre faut pas de l'un des guerriers de l'Ombre pour attaquer. Et si Étoile de Verre s'en prenait à une chatte aussi jeune tout comme il l'avait fait avec Nuage de Jais, la guerre serait vite déclarée.

Un certain temps s'écoula. Un temps silencieux, loin d'être lourd. Il était plutôt apaisant, calme. Cette sensation se faisait rare, mais ceci avait comme effet d'accentuer cette douce pause. De petits nuages défilèrent lentement, deux papillons batifolaient, les abeilles butinaient, les oiseaux gazouillaient ... Et le soleil, lui, continuait sa course accroché à la voûte céleste de couleur pastelle. Il descendait vers la cime des arbres, illuminant encore les bois de sa lumière réconfortante, promettant de revenir éclairer le monde le lendemain. Certes, la nuit n'était pas si proche que cela mais suivre des yeux le parcours de l'astre chatoyant était passionnant.


« Dis-moi, que penses-tu de ton Clan, de ses membres ? »
Étoile Rousse avait parlée d'une manière absente, trop plongée dans ses pensées pour daigner regarder le chaton perché à ses côtés. Mais au moins, elle avait conservée sa voix douce et chaleureuse. Elle ne voulait pas perdre une miette du spectacle qui s'offrait à ses yeux.

Etoile Rousse secoua la tête. Je semblait déçue. Je regardait le chef au pelage flamboyant. Elle semblait penser à quelque chose. A quoi pense-t-elle ? Je retourna la tête, regardant un paysage magnifique. Le soleil illuminait ma fourrure tricolore. Je regardait deux papillons, en écoutant le chant des oiseaux et les ailes des abeilles. Je fit ma toilette avant que la meneuse rousse parle.

-Dis-moi, que penses-tu de ton Clan, de ses membres ?

Je la regarda un moment. Elle n'a pas tourné la tête en parlant. Elle veut surement ne pas gâcher ce magnifique paysage. Je décida de regarder avec elle en ronronnant.

-J'aime beaucoup le clan. Je me suis fait plein d'amis. Je fis un sourire en ronronnant. Ils sont gentils.

Je continua de regarder ce magnifique tableau d'été. C'était magnifique. Je vis quelque feuilles par terre, annonçant dans quelques jours, la saison des feuilles mortes. Un papillon s'approchait de moi, je tendit ma patte pour qu'il se pose sur celle-ci. Je ronronnait très fort. Si je continue à ronronner comme ça, les proies jusqu'au Quatres Chênes vont m'entendre ! Je n'arrivait pas à m'arrêter de ronronner. Je fit un petit sourire.

Du coin de l’œil, Étoile Rousse vit la future apprentie tourner la tête pour contempler la nature qui les entourait. Ensuite, elle répondit à la question que lui avait posée la rouquine :


« J'aime beaucoup le clan. Je me suis fait plein d'amis. Ils sont gentils. »
La meneuse acquiesça. Puis, quand Petit Amour bougea, elle tourna la tête vers elle. Le chaton avait levé la patte pour y recueillir un petit papillon, ce qui la fit ronronner bruyamment. La femelle aux yeux vairons remarqua tout de suite la pointe de gêne dans l’attitude de la chatte tricolore. A quoi pensait-elle ? Sans doute à la même chose que tous les chats ; la crainte d’avoir effrayé toutes les proies des alentours.


« C’est très bien. Allez, rentrons maintenant. Quand tu seras au camp, tu iras donner à manger aux reines. Ce sera ta punition pour être sortie. »
Étoile Rousse s’était arrangée pour ne pas être trop sévère, même si la faute était grave. Elle se leva et descendit à terre. Elle attendit que Petit Amour l’ait rejoint pour avancer en direction du camp. Elles avançaient côte à côte. Et une fois arrivées à la place centrale, la meneuse lui miaula d’une voix toujours douce mais sévère :


« File. Et que je ne te reprenne plus en dehors du camp jusqu’à ton baptême. »
Sans attendre de réponse, elle lui tourna le dos pour aller rejoindre Griffe du Lion, son lieutenant et meilleur ami, pour écouter son rapport.